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Histoire des Juifs en Europe
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24 février 2009

Atelier d'écriture n°2

En France, on se contente désormais d’écrire des livres sans se poser de questions esthétiques ni s’interroger sur le sens de la création contemporaine. Un certain relativisme a pris le pas sur la recherche formelle d’autrefois, sur la recherche de l'absolu littéraire. Écrivons des romans, on verra bien ensuite, telle semble être la nouvelle doxa paradoxale. Juste retour des choses ? Il règne en France comme un néo-académisme, un conservatisme de bon aloi dont la plupart de lecteurs se satisfont. À mon avis tout cela ne nous mènera pas très loin. Mais c’est ainsi. Les écrivains d’aujourd’hui vivent en flux tendus comme les marchandises. Ils n’ont pas le temps de réfléchir au comment et au pourquoi de leur travail. Ils ont besoin de se sentir partie prenante du flux du monde, d’être “là où ça se passe”. C’est, à mon humble avis, une profonde erreur de jugement. Ils participent du monde dans lequel ils vivent, à son idéologie du flux tendu. À part quelques rarissimes exceptions, comme Quignard par exemple, un nom qui me vient spontanément à l’esprit. En vérité, quel est le problème ? Le problème est que Le Nouveau Roman a abouti à une impasse. Même si le Nouveau Roman n’est pas un mais multiple. Claude Simon n’est pas, à l’évidence, Robbe-Grillet. Ce sont pourtant deux “écritures” qui donnent du sens à la réponse qu’ils ont eux-mêmes apportée à l’impasse où se trouvait l’art romanesque après la guerre. Mais ce n’est qu’une réponse parmi tant d’autres. C’est uniquement la paresse intellectuelle, et une paresse plus terrible encore, la paresse spirituelle, qui a trait à l’âme, qui conduit nos écrivains contemporains à ce néoclassicisme affligeant, quel que soit par ailleurs la profondeur du contenu de leurs ouvrages. Mais enfin ce n’est pas la profondeur du contenu qui fait la grandeur d’une œuvre d’art, en l’occurrence un roman ou un récit, c’est sa forme. Même le contenu le plus profond ne vaudra rien, finira aux oubliettes de l’histoire littéraire comme tant de romans contemporains, ne sauvera pas un livre si sa forme ne retient pas l’attention. La forme, c’est l'Absolu, la forme c'est Dieu. Et seules les œuvres qui ont rapport à l'Absolu, de quelque manière que ce soit, perdureront. C’est perdre son temps que d’écrire des livres sans se préoccuper de la forme dans laquelle on va raconter une histoire. Mieux, la forme détermine la profondeur du contenu d’une histoire, son rapport à l'Absolu, c’est-à-dire à cette vibration où le lecteur sent que le destin d'un homme à quelque chose à dire du destin de l’Homme. Une œuvre réussie est celle qui nous pousserait pour un peu à nous mettre à genoux. Toute œuvre qui ne nous mette pas à genoux pour prier, surtout quand on ne croit à rien, est une œuvre ratée, ou n’est simplement pas une œuvre, mais rien. Le Nouveau roman fut une réponse, qui n’a plus aucun sens aujourd’hui. Mais est-ce la seule possible ? Assurément pas. Si l’on regarde quelques grandes œuvres qui l’ont précédé, on voit que les prémisses du Nouveau roman sont déjà mises en œuvre chez bien d’autres de ses prédécesseurs. Le Nouveau roman prône l’absence de psychologie, la fin du personnage, la fin de l’intrigue romanesque. Mais c’est un programme que réalise déjà, en 1926, Bernanos. Le personnage est central chez Balzac. C’est même sa grande révolution romanesque. Chez Bernanos, ce n’est plus le personnage qui est central, mais les grandes forces du Bien et du Mal en conflit qui s’emparent des personnages, tous embarqués dans cette lutte métaphysique qui les dépasse. Dans cette lutte, le narrateur bernanosien explique souvent au lecteur que le roman psychologique qui remonte à Madame de Lafayette et s’achève avec Proust, n’est plus de rien pour comprendre les forces en présence. Il y a dans Sous le soleil de Satan comme un fil qui court tout au long du roman dans des développements du narrateur, qui arrête le récit et où il prend d’autorité la parole pour énoncer son esthétique comme celui-ci dans le Prologue, qui est une contestation du roman psychologique, notamment proustien (le “niais” est ici le marquis de Cadignan, et ce n’est certainement pas pour rien qu’il est taxé de “niais” en tant que référence à l’esthétique balzacienne, qui place le personnage au cœur de son esthétique et de sa conception du roman) : “Qu’un niais s’étonne du brusque essor d’une volonté longtemps contenue et qu’une dissimulation nécessaire, à peine consciente, a déjà marqué de cruauté, revanche ineffable du faible, éternelle surprise du fort, et piège toujours tendu ! Tel s’applique à suivre pas à pas, dans un capricieux détour, la passion, plus forte et plus insaisissable que l’éclair, qui se flatte d’être un observateur attentif, et ne connaît d’autrui, dans son miroir, que sa pauvre grimace solitaire ! Les sentiments les plus simples naissent et croissent dans une nuit jamais pénétrée, s’y confondent ou s’y repoussent selon de secrètes affinités pareils à des nuages électriques, et nous ne saisissons à la surface des ténèbres que les brèves lueurs de l’orage inaccessible. C’est pourquoi les meilleurs hypothèses psychologiques permettent de reconstituer le passé, mais non point de prédire l’avenir. Et pareilles à beaucoup d’autres, elles dissimulent seulement à nos yeux un mystère dont l’idée seule accable l’esprit.” Enfin, chez Bernanos, il n’y a quasiment plus d’intrigue, plus de drame. Dès la Première partie, l'expression qui revient sans cesse "le futur saint de Lumbres" dit au lecteur que le drame est déjà joué. L’intrigue ne concerne plus guère que ce qui a été rajouté après-coup au roman commencé en 1919 près du Touquet (qui était la fin du roman, la dernière partie), c’est-à-dire le Prologue et le personnage de Mouchette, qui est écrit dans la lignée du roman balzacien comme sa clé de voûte, sans lequel le roman, n'ayant plus de drame, ne tiendrait pas debout comme le dit très justement Bernanos dans ses lettres. L’intrigue a été remplacée par une liturgie des forces en conflit, en conformité d’ailleurs (mais sous un jour renouvelé) à l’esthétique de l’hagiographie latine où il n’y a plus de rôle romanesque mais des emplois à situer dans la hiérarchie métaphysique des conflits, plus d’intrigue mais une exemplification morale des conflits éthiques. Il ne reste même plus rien chez Bernanos du personnage dostoïevskien qui conservait encore quelque chose de balzacien. Il appartient aujourd’hui, comme l’a fait Bernanos en son temps, Robbe-Grillet dans le sien, de chercher et de trouver de nouvelles réponses au défi de l’art, de la beauté et de l’absolu qui devraient être la recherche essentielle de tout écrivain digne de ce nom, au lieu de se complaire dans ce conformisme facile de l’esthétique de grand-papa pour faire ronronner l’institution littéraire en étant la dupe perpétuelle de soi-même et de sa paresse. C’est la seule morale qui compte, la seule vraie quand on se prétend écrivain. Tout le reste n’est que littérature…
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Commentaires
M
Oui, tout fonctionne à nouveau correctement.
L
Tout est rentré dans l'ordre apparemment, vous me voyez rassurée Melki !!!
L
ah ben si je suis arrivée à poster, c'est le chargement qui pose problème, Melki !!!
J
Plaisir de vous retrouver, Melki !
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