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Histoire des Juifs en Europe
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24 novembre 2009

POÉSIE SANS ÉCLAT

Automne :

le saule et l'olivier dans le jardin,

le ciel gris sur la ville grise.

Y a-t-il encore quelque chose

à chanter

au-delà des mots ?

 

*

 

Le masque de la nuit se met

à rire : c'est un soleil

accroché dans un arbre.

Le café bout dans ta tasse.

Les arbres sont veufs de leurs feuilles.

Les chiffres reprennent les prières

dans le ciel blême.

 

 

*

 

Quelqu'un cherche une adresse

perdue dans la nuit. Il sort une clef

de sa poche. Où est la porte ?

On entend ses pas sur les pavés,

maintenant une heure morte.

Il revient chez lui après

des siècles d'absence, de foules traversées,

de miroirs brisés.

Il enclenche le pêne du loquet qui claque.

Un chien maigre aboie.

 

 

*

 

Quelqu'un marche au bord 

des choses, sa démarche marque l'absence

d'un chemin, les ronces écorchent son visage,

il cherche l'algèbre des ordonnances du ciel.

La lune s'est noyée dans ses yeux, une autre réapparaît. 

On ne sait plus laquelle croire.

Tout fait monde quand le monde s'efface.

 

 

*

 

Tout est arrivé — dit-il — par hasard.

Les clefs laissées sur la porte,

la nappe blanche, les couverts dressés, 

la fille noyée dans le lac,

les jours qui meurent et renaissent

sans cesse,

et l'horizon en fuite, le soleil

sur nos os transis.

Nul ne sait jamais de quoi il est question.

 

 

*

 

Paris sous la neige,

la Seine charriant des glaçons, 

formes griffues,

blocs de glace duvetés de cristaux.

Les ponts, les coupoles, les quais :

tout disparaît et danse dans les tourbillons

du poudroiement blanc

qu'on peine à rejoindre,

repoussé dans un lointain intérieur,

comme si tu n'avais jamais existé.

 

 

*

 

Quelqu'un vient, on entend 

des pas. On parle dans la nuit,

ou peut-être personne.

Est-ce par derrière la maison ?

Ou le vent qui rôde ?

Une porte se ferme, le ciel se creuse

jusqu'au vertige.

La route se perd dans l'ombre.

On ne sait pas ce qui se passe.

 

*

 

Les mots sont devenus difficiles.

Ils restent dans l'ombre, 

cachés. — Écoutez voir, disent-ils.

Seuls les morts

les profèrent dans de grands silences

qui nous accablent. 

On regarde à travers,

on ne voit

rien.

 

*

 

Elle reviendra, — dit-il. C'est sûr.

Les étoiles clignotent dans le ciel.

Elle est simplement absente. 

Il a suspendu à l'arbre,

dans le jardin,

ses bas, son soutien-gorge sous la lune,

une chaussure aux semelles trouées.

Il surveille ses gestes, son visage

dans le miroir, sa peau qui se ride,

son ombre qui s'allonge

avec les jours, les années.

Son regard le pénètre, 

jusqu'à l'absence, qui l'efface.

On entend simplement

un rire bruyant,

irrespirable.

 

*

 

Quand il écrit, il a l'impression

d'une ombre immense derrière lui,

qui s'adresse à lui

ou à d'autres.

Souvent elle fait semblant

de parler,

simplement pour la beauté du geste,

l'éprouver,

du pain, des oiseaux, de la lumière unique.

Et elle se faufile partout

derrière les gens du quartier

quand ils vont faire leurs courses.

 

 

*

 

Il a fermé les rideaux.

Il s'est couché tout habillé

avec ses chaussettes.

Pour témoigner

d'un refus, peut-être.

Refus de la nuit, refus du jour,

refus.

Il se retourne dans son lit,

la tête contre le mur,

qui se creuse,

un trou énorme,

trou du jour, trou de nuit,

le vide

qui devient sa force.

 

 

*

 

Les rideaux frémissent doucement

aux fenêtres. On n'est pas sûr 

de comprendre :

la lourde respiration 

du silence, les rognures d'ongles 

entassées

sur la tablette 

dans la salle de bain, l'indifférence

des choses,

belles, intactes, lumineuses.

 

(Éclats de vie, vie sans éclat, Michel Alba)

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Commentaires
S
Je ne ferai pas de commentaires pour ne pas abîmer vos Eclats, mais vous lisant ici ou là, sur la création, ou la "Joie Tragique", je savais que vous déteniez ces purs éclats... Merci
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